HOMMAGES A NOS CONFRERES  décédés en 2015


 
 

Roger Marion (1934-2015)



C’est le jour de ses 81 ans que Roger Marion, sculpteur depuis le début des années 50, est décédé.


« Qui a vu une fois une statue ou un monument de Marion n’est pas près de les oublier. Les formes généreuses et puissantes des volumes galbés inscrivent dans une lumière de bronze un ventre fécond, une hanche sensuelle. Un visage surgit, lisse, serein et conquérant, d’un bloc de minéral resté vierge de ses éclats. Un monument s’inscrit en figure de proue dans la mémoire d’un passant.

Homme et œuvre se répondent : chaleur de l’accueil, enthousiasme de la parole, solidité du corps habitué à se mesurer à des tonnes de pierre, affirmation d’une confiance dans la vie vous communiquant son élan créatif… »


Ainsi Maurice Boulle présentait-il d’un trait de plume l’homme et l’artiste en exergue d’un entretien qu’il avait eu avec le sculpteur Marion dans son atelier de Tartary à Pont d’Aubenas (1).


Roger Marion est né à Paris en 1934 dans une famille modeste et cultivée. C’est à 23 ans qu’il rencontre l’Ardèche et vient vivre à Saint-Laurent-sous-Coiron : « Je ne dirai jamais assez la qualité de l’accueil des habitants du Coiron : ils sont vraiment ma famille ardéchoise… ». Neuf années difficiles pourtant, car sculpter alors ne fait pas vivre sans une galerie pour accueillir le jeune artiste. Alors Marion « fait les saisons » dans les fermes voisines puis grave les inscriptions tombales, les plaques commémoratives.


Le jour vient d’une première et modeste exposition à Aubenas. C’est ensuite la chapelle de l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban, près de Saint-Gély-d’Apcher en Lozère. Cinq ans à travailler le granit de la Margeride, 35 tonnes. Une nouvelle demeure à Asperjoc, neuf années, et Tartary où Marion restera définitivement.


Marion, car c’est ainsi qu’on l’appelle, vit désormais de son art. Les expositions se succèdent, en France bien sûr, mais nombreuses en Allemagne, aux Pays-Bas, en Pologne, en Suisse. A Paris aussi, mais sans attache particulière avec le « milieu » parisien : « J’ai misé sur un pays (l’Ardèche) sans passer obligatoirement par Paris ».


Et de poursuivre : « La culture dépend d’abord de ceux qui vivent et qui créent sur place, bien plus que des activités qu’on importe ».


Rencontre avec le pays, rencontre avec les hommes à travers une exposition mais aussi à travers le monumental. Pour ne citer que les réalisations qui parsèment l’Ardèche : le relief mural de 53 mètres carrés du lycée d’Indy à Privas (1974), un autre de 20 mètres carrés à la Maison des Jeunes, une statue de 8 tonnes à l’hôpital d’Aubenas.


Mais deux œuvres peuvent sans doute dire ce que fut Marion, le sculpteur, l’homme.


A Viviers, le père Charles de Foucauld, en 1987 : une démarche spirituelle dira l’artiste. L’expression à travers la représentation du père assassiné, à partir de ses mains ouvertes, de l’ouverture à l’autre, du don de soi.


La flamme de la Résistance également, en pierre de Cruas, sur le quai du Rhône à Granges-lès-Valence. La flamme choisie comme symbole de cette Résistance dont de Gaulle disait qu’elle « ne s’est pas éteinte et ne s’éteindra pas », hommage donc à l’homme du 16 juin, mais aussi en pensant à celui ou celle, anonyme, qui passera devant et qui verra.


Chaque fois, un rapport affectif avec la pierre qui parle, avec une œuvre intimiste ou monumentale qui survit à son auteur, qui « a pris son propre départ, dans “sa” vie… » dira encore Marion.


Roger Marion était membre de l’Académie des Sciences, Lettres et Arts de l’Ardèche et de Az’arts collectif d’artistes pour la promotion de l’art contemporain.


Pierre LADET



1. Entretien dans l’atelier du sculpteur Marion, propos recueillis par Maurice Boulle », Revue de la Société des Enfants et Amis de Villeneuve-de-Berg n°50, 1994.

 

 





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